La responsable de la biodiversité des Nations unies estime que les négociations mondiales en cours à Montréal constituent la « dernière chance » d’inverser la tendance à la destruction du monde naturel.
« La biodiversité est vitale. Sans elle, il n’y a pas de vie », a déclaré Elizabeth Maruma Mrema dans l’émission Inside Science de BBC Radio 4.
Cependant elle s’inquiète de l’avancée des négociations pour que les 196 pays membres de l’ONU parviennent à un accord.
La charte mondiale sur la biodiversité, si elle est ratifiée, va constituer un changement fondamental.
Il s’agit de l’équivalent pour la nature de l’accord de Paris, un traité international visant à limiter la hausse de la température mondiale et à mettre fin à la crise climatique.
« Les objectifs de cette charte sont une feuille de route qui ambitionne, d’ici 2030, de stopper la perte de biodiversité, qui a atteint des proportions inquiétantes sans précédent dans l’histoire de l’humanité », a déclaré Mme Mrema.
La liste des 20 objectifs qui figurent dans la charte comprend des points réalisables, comme un appel à la conservation de 30 % des terres et des mers grâce à la création d’aires protégées.
Mais la mise en œuvre inclut également des questions politiques plus délicates, telles que la protection des droits et l’accès des peuples autochtones à leurs territoires.
Les communautés autochtones occupent environ 85 % de la biodiversité mondiale. Force est de remarquer que les zones où elles sont installées, sont nettement mieux protégées contre la dégradation de l’environnement.


« Des objectifs paralysants »
Le projet d’accord actuel comporte encore « beaucoup de crochets », a déclaré Mme Mrema. « Et qui dit parenthèses dit désaccord – des domaines où les 196 doivent encore se mettre d’accord, faire des compromis et parvenir à un consensus. »
Dans un article publié dans Nature, avant les négociations, l’écologiste Sandra Diaz, de l’Université nationale de Cordoue, a déclaré que les crochets avaient « proliféré à un rythme alarmant dans tout le texte, neutralisant et paralysant les objectifs et les cibles ».
Et certains scientifiques de Montréal craignent que la politique ne reflète pas les preuves.
Mme Mrema a déclaré que les preuves scientifiques révélaient l’ampleur de la crise et l’urgence de faire aboutir les négociations.
« Nous avons déjà dégradé 75 % de la surface de la Terre et plus de 60 % de l’environnement marin », a-t-elle déclaré.
« La moitié des récifs coralliens ont déjà disparu et 85 % des zones humides sont dégradées. »
Il faut agir maintenant, a déclaré Mme Mrema, « sinon il n’y aura pas d’avenir pour nos enfants et nos petits-enfants ».
« Pacte de paix »
Dans son discours d’ouverture, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré que l’humanité avait détruit les écosystèmes et « traité la nature comme des toilettes ».
Il a appelé à un pacte de paix avec le monde naturel et, dans un clin d’œil à peine voilé à ceux qui ont l’ambition de coloniser Mars, il a déclaré : « Oubliez les rêves de certains milliardaires, il n’y a pas de planète B. »
S’exprimant lors de la cérémonie d’ouverture, mardi, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a déclaré : « Si nous ne pouvons pas nous entendre, en tant que monde, sur quelque chose d’aussi fondamental que la protection de la nature, rien d’autre ne compte. »
Mais après que de jeunes militants autochtones se soient levés, aient chanté et déployé une bannière disant : « Pour sauver la biodiversité, arrêtez d’envahir nos terres », le premier ministre est resté silencieux alors qu’ils ont fini par sortir de la salle en scandant : « Trudeau est un colonisateur ».
Mme Mrema a déclaré que la participation des manifestants à l’événement était un signe de transparence.
« Tout le monde est inclus », a-t-elle déclaré. « Et ils ont délivré un message à leurs partis pour qu’ils écoutent – et clairement, ils ont été entendus ».
