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dimanche, juin 29, 2025

REPORTAGE : VENTE DE « NDOGOU » : IL Y A À BOIRE ET À MANGE

Le Ramadan est un mois de partage et de dévotion. A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), il est aussi un moment durant lequel certains y trouvent leur compte et se frottent les mains. Grâce au business florissant de la vente de «ndogou» au campus social. 

Ils font partie du décor du campus social tous les après-midis. Les vendeurs de repas de la rupture du jeûne, communément appelé «Ndogou», sont au cœur du dispositif de la rupture du jeûne à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), qui affiche toujours plein en dépit de la suspension des cours depuis quelques jours. Tous les jours, à partir de 16h et demie, ils envahissent le lieu. Grands bols emballés dans des tissus, ils franchissent, pour certains, la porte du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) pour trouver un gagne-pain. Devant les restaurants ou espaces publics très fréquentés par les pensionnaires du campus, ils aménagent leurs places et attirent par leurs étals ou leurs tables encombrés de bols de riz et d’autres victuailles très appréciés en cette période de diète. Ces vendeurs proposent toute une variété de nourritures pour la rupture du jeûne. Des plats grandement prisés et appréciés par les étudiants, qui apprécient cette offre alternative aux plats des restaurants universitaires qui sont de plus en plus délaissés. «C’est une bonne chose. Cela nous permet de mettre quelque chose dans nos pains, autre que le beurre et le chocolat qu’on donne dans les restaurants», affirme Modou Top. Cet étudiant à la Faculté des lettres et sciences humaines justifie la présence des dames et (parfois) des hommes tabliers par le manque de saveur constaté dans les réfectoires universitaires. «Les «ndogou» des restaurants ne varient pas. Chaque jour, c’est la même chose. Au moins quand ces dames sont là, tu peux, à la sortie du resto, mettre de la salade, des œufs ou même de la sauce de pomme de terre dans ton pain», savoure cet étudiant. Il ne veut pas s’en priver pour savourer ce moment de rupture.

Devant un restaurant universitaire, connu pour la mauvaise qualité de ses pains, Demba Sow est venu assaisonner son quignon. Il se renseigne d’abord sur le menu du jour, avant de remettre à la vendeuse les «baguettes» moulées dans un sachet plastique vert. «Tu sais, si tu es le gamin dans une chambre, il est plus probable que tu sois envoyé faire les commissions. Ces six pains ne m’appartiennent pas. (Rires) C’est le «ndogou» de notre chambre», justifie-t-il sur le nombre de pains qu’il tend à Bassine Touré, la vendeuse. Assise sur une chaise devant une courte table couverte d’un tissu gris presque usé, c’est là qu’elle trouve son compte durant ce mois de Ramadan. Bols et plats remplis de nourritures sur la table, la femme de teint clair tient un couteau à la main, à l’aide de laquelle elle éventre les pains pour y incorporer une sauce ou tout autre produit. Tout est fumant !

Aujourd’hui, elle se frotte pas mal les mains, même si elle déplore le fait que certains étudiants soient partis en vacances. «Ça marche, Alhamdoulilha. Je ne me plains pas. Avec cette activité, j’arrive à satisfaire mes besoins. C’est l’essentiel… Mais seulement, il n’y a plus de clients comme au début», relativise-t-elle, sous le regard amusé de Tapha, un vendeur de dattes, indispensables à la coupure du jeûne.

Etudiants en situation de précarité
A quelques mètres de là, en direction du Restaurant Argentin depuis l’ancien Centre médical, Fatou Ndiaye est venue remplacer «quelqu’un», la titulaire de la place. L’étudiante en médecine tire profit du mois de Ramadan en proposant toute une panoplie d’aliments aux étudiants. Ces derniers se les procurent à des «prix imbattables» pour la rupture du jeûne. Mamadou Salif Diallo n’est pas résident du campus. Il quitte chaque jour le quartier de Ouakam «pour récupérer» son «ndogou». «Les prix sont abordables. Avec 100 francs, deux cents francs, tu peux faire une bonne rupture. Moi je viens d’acheter des fatayas que j’ai mis dans mon pain», explique-t-il, pain à la main.

«Ndogou» gratuit
Alors que l’inflation continue d’étreindre les ménages et aussi d’impacter la vie des étudiants qui se contentent de leurs maigres bourses, les dépenses journalières affectent durement les poches. Face à cette situation, des chaînes de solidarité se multiplient pour faire de ce mois de Ramadan, un moment de partage. Loin d’être motivé par l’aspect pécuniaire, le mouvement Kaay Ndogou, composé d’étudiants de la Faculté des sciences juridiques et politiques, concocte chaque jour des repas de rupture pour leurs camarades étudiants, avec l’appui de partenaires et du Coud. « On en est à notre 8e édition. Souvent, certains étudiants ont du mal à trouver des tickets pour assurer le « ndogou» et le «kheud». C’est en partie à cause de cette situation que nous avons jugé nécessaire de nous organiser dans le but d’aider nos camarades durant ce mois béni de Ramadan », déclare Baye Fall, membre de l’association. Avec ses camarades, il pointe chaque jour à 16h sur la route principale du campus, à hauteur des cantines de la Zone A. Un espace improvisé sert de « cuisine ». Des hommes, à l’emblème du mouvement, s’activent autour des grosses marmites remplies de café fixées sur de gros fourneaux. Le but est de distribuer le maximum de «ndogou», à des étudiants en situation précaire notamment.

« Nous distribuons chaque jour 2500 pains aux étudiants, avec un menu très varié. On ne fait pas de distinction. » Aujourd’hui (31 mars), l’affluence reste timide. « Depuis deux jours, le nombre d’étudiants servis a drastiquement baissé. Nous avons donc diminué les commandes de pain et d’autres marchandises. Beaucoup sont allés en vacances.» Avec le procès Mame Mbaye Niang-Ousmane Sonko, les fêtes de Pâques ont été précipitamment offertes. Les cours reprennent le 12 avril.

Aujourd’hui, cet élan de solidarité, mis en place par des étudiants, est largement apprécié par les bénéficiaires. Ils convergent vers cet endroit à chaque coucher du soleil. Certains pour acheter, d’autres pour recevoir de la nourriture gratuitement.

SN/YD/SHN 

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