26.3 C
Dakar
mardi, juillet 1, 2025

Prendre en main notre destin 

Le moment est venu de s’arrêter un instant sur l’obligation individuelle et collective à servir son pays, sur l’impérieuse nécessité des pouvoirs publics à mobiliser toutes les mains et tous les cerveaux dans la construction d’infrastructures communautaires, la mise en œuvre de projets collectifs et enfin de bâtir une culture civique et patriotique à servir son pays. 

Il y a quelques années j’avais rencontré des experts du Korean Développent Institut (KDI) venus au Sénégal pour une étude sur le capital humain, ils attiraient fortement mon attention sur l’insuffisance de l’engagement patriotique des ressources humaines sénégalaises à servir leur pays. 

Ce constat exact et pertinent des coréens traduit une des insuffisances notoires de nos programmes de développement qui ont contribué à creuser au fil des années le fossé abyssal entre notre pays et la Corée du Sud. 

Notre pays n’a presque jamais fait de la mobilisation de ses populations une alternative à la course vers l’endettement, une option supplémentaire dans la mise en œuvre des programmes de développement à fort impact économique et social et un instrument d’éducation citoyenne notamment de la jeunesse. 

Dans les premières décennies qui avaient suivi l’indépendance du Sénégal, il y eut quelques tentatives assez timides: quelques activités d’investissement humain, l’engagement de l’armée dans des projets économiques, etc. Cependant ces expériences très partielles ne furent jamais généralisées. Elles s’arrêtèrent faute de volonté politique et d’enthousiasme des populations. 

Beaucoup de personnes parmi nous ont observé dans les quartiers comme dans les villages des scènes surréalistes où des jeunes mobilisés par des ONG, venus de pays lointains, construisant des dispensaires ou des écoles, voient à côté d’eux, à l’ombre d’un arbre, les jeunes du quartier ou du village assis tranquillement à boire du thé. 

Ces scènes particulièrement honteuses ont sans aucun doute dissuadé beaucoup d’ONG de continuer de telles initiatives comme d’ailleurs elles ont découragé beaucoup de collectivités territoriales étrangères dans les partenariats qu’elles souhaitaient nouer avec leurs homologues sénégalaises. 

Notre dicton populaire ne nous enseigne-t-il pas que : ndimmal na ci fekk loxal boroom, le soutien doit trouver l’apport du bénéficiaire.

Évidemment, notre école est passée complètement à côté de la formation citoyenne de notre jeunesse. 

Centrée sur la formation disciplinaire, elle n’a pas pris en charge la formation de l’être humain, le savoir vivre et la construction d’une culture citoyenne et patriotique. 

À cette déficience, il faut ajouter l’absence constante de volonté des pouvoirs publiques de faire des affaires de l’État et des collectivités territoriales une affaire des populations. 

Les différentes autorités ont savamment cultivé depuis les indépendances une certaine distance entre les institutions dont ils sont les autorités et les populations. Cette attitude n’a fait que renforcer la perception des populations que ces institutions leur sont étrangères, elles doivent s’en servir sans aucune obligation de les servir. 

L’opposition, assez souvent dans une démarche infantile, a contribué à caractériser les personnes au service de l’État ou des collectivités territoriales, des traitres à la lutte du peuple. 

En définitive, la conjonction de ces faits a largement contribué à une inversion des valeurs. Les personnes qui s’attachent à faire correctement leur travail sont stigmatisées au lieu d’être encouragées: on dit diw defa xobé ! 

Nos économistes devraient évaluer les pertes économiques, les retards en infrastructures sociales et culturelles, les surcoûts financiers, nous verrons alors combien notre pays a perdu en milliers de millards de francs CFA depuis notre indépendance jusqu’à aujourd’hui en n’utilisant pas cette force de travail disponible à faible coût qu’est la jeunesse. 

L’influence des bailleurs de fonds, le renforcement constant de la corruption et l’absence de patriotisme des dirigeants ont fini par réduire la réalisation d’un projet à l’obtention d’un financement. Il n’ont jamais pu intégrer la force de travail disponible de la jeunesse comme partie du financement des projets de développement.

C’est donc à une révolution copernicienne que j’invite les acteurs politiques, les décideurs économiques et financiers et la population : la force de travail de la jeunesse, son savoir-faire, son engagement patriotique à servir son pays constitue un des facteurs décisifs dans l’investissement dans les infrastructures économiques, sociales, culturelles collectives et dans l’élévation du niveau d’éducation de la population.

La compréhension de cette philosophie de construction inclusive du pays conduit nécessairement à assurer la scolarisation universelle des enfants, l’éradication de l’analphabétisme et la promotion de la formation professionnelle au niveau de la population notamment de la jeunesse.

L’école doit porter en bandoulière la mission noble d’inculquer à la jeunesse l’amour du pays, l’engagement patriotique à le servir et l’exigence de se conformer à nos meilleures valeurs de culture et de religions. 

C’est seulement à ce prix, sans céder à aucune exigence d’un quelconque bailleur, que nous pourrons construire toutes les écoles, les centres de formation professionnelle, les lycées professionnels, les dispensaires,  les maternités, les centres de santé, les stades, les routes et rues pavées, les canaux d’irrigation, les pistes rurales, le cadre de vie dans les villes et quartiers, éradiquer la saleté et l’analphabétisme, etc. 

L’émancipation économique et sociale est à notre portée, et à court terme, si nous nous soumettons à l’exigence de la mobilisation citoyenne et patriotique de toute la population pour bâtir le bien-être de chacune et de chacun.

Nous demeurons maître de notre destin à condition d’en faire une entreprise collective, une affaire de citoyennes et de citoyens éclairés, un projet servi par les populations et au service des populations. 

Pr. Mary Teuw Niane Président du Mouvement pour la Transformation Nationale (MTN)

Articles associés

Derneir Articles

PEOPLE