Il faut d’emblée féliciter l’ancien Ministre des Mines et de la Géoologie, Dr. Oumar SARR. Son expertise, son sens de l’écoute, son empathie envers ses agents, et surtout ses grandes qualités humaines ont fait avancer beaucoup de dossiers au sein de ce Ministère stratégique. L’hommage qui lui a été rendu par ses agents lors de son départ a démontré, qu’au-delà des qualités exceptionnelles de l’homme, l’admiration et l’attachement que sa personne pouvait susciter. Il est parti les armes à la main, en laissant à son successeur plusieurs dossiers, dont certains allaient dans le sens de l’amélioration des conditions de travail des agents miniers. Il s’agit notamment :
. De l’augmentation des salaires des agents miniers, en tenant compte de leurs diplômes, expériences et qualifications. Cette réforme aurait également permis aux agents miniers de sentir sur leurs bulletins de salaire les milliards de bénéfices engrangés chaque année par les entreprises minières ;
. Le reversement des agents miniers contractuels dans la Fonction publique ;
. La création d’une cité spécifiquement dédiée aux agents miniers pour leur permettre de disposer d’une maison et d’un meilleur cadre de vie.
Tout cela allait dans le sens de l’article 25-1 de la Constitution du Sénégal qui dispose : « Les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie.
L’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire (…) de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général (…) ».
Tout cela témoigne du fait qu’il était un Ministre particulièrement soucieux du bien-être de ses agents. Lesquels garderont certainement de lui, le souvenir d’un homme bon et travailleur dont le Sénégal gagnerait encore à solliciter l’expertise et la clairvoyance. On souhaite beaucoup de succès à son successeur, Monsieur Birame Souleye DIOP, Ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines.
Pour autant, le droit minier sénégalais doit s’adapter aux changements. En ce sens que, c’est d’abord un droit qui s’inscrit au cœur des évolutions de toute nature.
C’est ensuite, un droit qui est en permanence en pleine mutation au regard de l’évolution des besoins, et des objectifs qui varient selon les circonstances (impératifs en matière de protection de l’environnement, protection des communautés locales et des impactés, hygiène, sécurité et santé au travail, réparation des dommages miniers, promotion du contenu local, fonds de réhabilitation, Fonds d’Appui au Développement Local (Voir, loi n° 2022-17 du 23 mai 2022 relative au contenu local dans le secteur minier ; décret n° 2023-990 du 4 mai 2023 portant organisation et fonctionnement du Comité national de suivi du Contenu local dans le secteur des hydrocarbures et des mines ; décret n° 2023-991 du 4 mai 2023 fixant les modalités d’alimentation et de fonctionnement du Fonds d’Appui au Développement du Contenu Local dans les secteurs des hydrocarbures et des mines ; décret n° 2023-1082 du 4 mai 2023 portant nomination du Secrétaire technique en charge des mines du comité national de suivi du contenu local ; arrêté du 3 janvier 2024 fixant la liste et les proportions des biens et services fournis par les entreprises locales dans le secteur minier).
Mais aussi, le droit minier sénégalais constitue, à bien des égards, une question majeure pour l’État, d’autant plus que nous entrons dans une ère de rareté, se posent de plus en plus des questioins de protection de l’environnement (Voir, Alioune GUEYE, Essai sur le statut juridique des concessions hydroélectriques, Mémoire de Master 2 Droit public fondamental, Université de Toulouse 1 Capitole, 2008, p. 11 ; Voir aussi, Alioune GUEYE, « La mise en concurrence des concessions hydroélectriques : un dilemme récurrent ? », Revue Contrats et Marchés publics, étude n° 7, juin 2009, pp. 7-14).
C’est enfin, un droit qui s’inscrit au cœur des révolutions récentes du droit minier en Afrique. Ce qui fait qu’il se place aujourd’hui, comme l’un des outils permettant de révolutionner le l’image de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. En effet, certains États africains (le Sénégal en particulier), sont plus que jamais conscients des enjeux économiques et géostratégiques du secteur minier, en tant que vecteur de développement et d’émancipation du continent africain.
Cela pourrait expliquer le fait que les ressources minières font partie des priorités de l’actuel gouvernement, en plus des ressources pétrolières et gazières.
Tout cela nécessite des réponses équilibrées devant tenir compte des incidences juridiques de la législation communautaire sur les législations nationales des Etats membres.
En effet, les impératifs communautaires (Règlement n°2/2023/CM/UEMOA du 16 juin 2023 portant Code minier communautaire ; Directive de la CEDEAO C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009 portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier ; Règlement C/REG.17/07/23 du 7 juillet 2023 portant sur l’exploitation minière artisanale et à petite échelle ; Loi modèle CEDEAO sur l’exploitation minière et le développement des ressources minérales, entre autres), et les préoccupations environnementales (loi n° 2023-15 du 2 août 2023 portant Code de l’environnement), se posent ajourd’hui avec acuïté (Voir, aussi, le Communiqué du Conseil des ministres du 29 mai 2024, mettant l’accent sur la nécessité de « vulgariser la nouvelle politique du Sénégal en matière d’environnement, de développement durable et de transition écologique (…) ».
Dès lors, on pourrait se poser la question de savoir si le Code minier (issu de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016), n’est pas dépassé par les évolutions récentes du droit communautaire africain et les nouvelles préoccupations en matière environnementale.
Il convient de démontrer que le Code minier sénégalais est dépassé par l’évolution du droit communautaire africain (I), d’une part ; mais aussi, il est bousculé par les impératifs en matière de protection de l’environnement (II), d’autre.
Un Code minier dépassé par l’évolution du droit communautaire africain :
Les États membres des Communautés d’intégration ont l’obligation de transposer les directives communautaires. Mieux, cela devrait se traduire plutôt par une obligation de mise en œuvre des directives dans les ordres juridiques nationaux des États membres.
Le Code minier sénégalais se borne à indiquer à l’article 1er paragraphe 23 relatif à la législation minière, que celle-ci est « constituée par le présent code, les décrets pris pour son application, le Règlement n°18/2003/CM/UEMOA du 22 décembre 2003 portant adoption du Code minier communautaire, la Directive C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009 de la CEDEAO portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier, et toutes les dispositions législatives et réglementaires édictées sur des volets de l’activité minière non couverts par les dispositions dudit Code. ».
Or, en réalité, la transposition de la directive de la CEDEAO C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009, portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier, n’a pas été complète.
En effet, si par définiton, « la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens » : il n’en demeure pas moins que, juridiquement, la transposition incomplète d’une directive communautaire est susceptible d’engager la responsabilité de l’État. Ce qui, au demeurant, permettrait à tout opérateur du secteur minier directement concerné, de pouvoir invoquer devant le juge national les dispositions d’une directive non transposée, ou transposée de manière incomplète dans les délais, à l’encontre d’une décision administrative prise en conformité avec des normes nationales (il suffit que ces dernières ne soient pas compatibles avec les objectifs de la directive).
Cela signifie aussi que dans la future réforme du Code minier, il faudrait penser à s’aligner correctement sur la directive de la CEDEAO C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009, précitée.
À titre d’exemples :
Le Code minier en vigueur au Sénégal ne prévoit rien sur la protection de l’intérêt national à travers la mise en place d’un accord de stabilité. Or, la Directive de la CEDEAO C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009, précitée, en fait un élément essentiel, notamment lorsqu’elle précise dans son article 7 que :
« Dans le cadre de l’octroi d’un droit ou titre minier, l’autorité compétente de l’Etat membre peut conclure un accord de stabilité dans le cadre de négociations avec un investisseur minier.
L’Accord de stabilité reflète l’intérêt national de l’Etat membre et celui de l’investisseur.
Les négociations poursuivies dans le cadre de la conclusion du dudit Accord traiteront des questions relatives aux effets négatifs des changements intervenus dans la loi en vigueur, le montant et le paiement des royalties, taxes et droits sur l’importation d’intrants.
L’Accord de stabilité est soumis à la ratification par le Parlement national ou tout organe compétent de l’Etat membre. ».
Or, dans le Code minier, s’il y a une protection de l’intérêt des investisseurs à travers la stabilité qui leur est dévolue à travers la Convention minière et le droit à la stabilité des conditions fiscales et douanières, on observe que cette protection est absente, notamment en ce qui a trait à l’intérêt national de l’État sénégalais prôné par la directive CEDEAO (ce qui serait de nature à mettre en péril les objectifs de la directive).
Significatifs sont à cet égard, les articles 117 et 27 dernier tiret du Code minier :
En effet, l’article 117 du Code minier dispose :
« La convention minière, sous respect des dispositions du Code minier, précise les droits et obligations des parties et garantit au titulaire du titre minier la stabilité des conditions qui ont déterminé son engagement.
Après signature, la convention est publiée au Journal officiel de la République du Sénégal. ».
Et l’article 27 dernier tiret du Code minier indique que :
« La délivrance d’un permis d’exploitation minière confère au titulaire ayant satisfait à ses obligations les droits suivants :
– le droit à la stabilité des conditions fiscales et douanières de l’exploitation, conformément aux stipulations de la convention minière. ».
Il découle de ces dispositions que ce qui a été protégé à travers « la stabilité », est plutôt l’intérêt des opérateurs miniers. Or, cela devrait être à la fois dans le sens de l’intérêt des entreprises minières et dans le sens de la protection de l’intérêt national de l’État en tant que tel. En outre, ce qui devrait être mis en place c’est un véritable pacte ou accord de stabilité, conformément à l’article 7 de la directive précitée. D’autant plus que, l’article 8 paragraphe 1 de la directive CEDEAO protège l’intérêt national des États membres, à travers la nécessité absolue de taxer les entreprises minières pour protéger les recettes, en disposant que : « Les Etats membres adopteront des lois appropriées pour optimiser et protéger les recettes dues qui leur reviennent au titre des activités minières. ».
Ainsi, sur ce point comme sur d’autres, le Code minier devrait être modifié afin de le rendre compatible à l’objectif de la directive de la CEDEAO, précitée. En principe, ces modifications auraient dû être faites depuis la réforme du Code minier de 2016. D’autant plus que, cette directive de la CEDEAO a pour objectif d’assurer l’harmonisation des prinicpes directeurs et des politiques dans le secteur minier, conformément à son article 2.
Toutefois, s’agissant de la stablisation du régime fiscal et douanier, cela ne bénéficie qu’aux titulaires de permis d’exploitation industrielle. En effet, désormais, l’article 175 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire dispose à ce égard :
« La stabilité du régime fiscal et douanier est garantie au sein de l’Union aux titulaires de permis d’exploitation industrielle.
Pendant cette période de stabilité qui ne peut excéder dix (10) ans, les règles d’assiette et de liquidation des impôts, droits et taxes demeurent telles qu’elles existent à la date de délivrance desdits permus miniers d’exploitation industrielle.
Cette stabilisation ne s’applique pas aux droits fixes, aux redevances superficiaires et aux redevances minières.
La stabilisation ne concerne pas les impôts collectés ou retenus par les entreprises pour le compte de l’Administration fiscale.
Sont également exlus du champ de la stabilité des dispositions relatives aux droits de l’homme, à la santé, à la sécurité, à l’emploi, aux aspects environnementaux et sociaux et tous les droits, impôts et taxes y afférents.
Nonobstant les dispositions précédentes, en cas d’adoption par l’Etat membre d’un régime fiscal et douanier plus favorable, les titulaires de permis d’exploitation pourront opter pour ce régime plus favorable à condition qu’ils l’adoptent dans sa totalité. ».
Sur la question de la particiation de l’État du Sénégal au capital des entreprises minières : l’article 31 du Code minier prévoit que :
« L’octroi d’un permis d’exploitation minière donne droit à l’Etat à une participation gratuite de dix pour cent (10%) au capital social de la société d’exploitation pendant toute la durée de vie de la mine. Cette participation, libre de toutes charges, ne doit connaître aucune dilution en cas d’augmentation du capital social.
L’Etat peut, en sus de sa part gratuite au capital, négocier pour lui et/ou le secteur privé national, à titre onéreux, une participation supplémentaire jusqu’à hauteur de vingt-cinq pour cent (25%) au capital de la société d’exploitation, selon les modalités habituelles en vigueur en la matière. ».
Aujourd’hui, tout porte à croire que, les nouvelles autorités à la tête de la SOMISEN (Société des Mines du Sénégal), seraient plus favorables à une augmentation de ce capital au profit de l’État. Ce qui, en tout état de cause, nécessiterait l’intervention préalable du législateur sénégalais à travers une nouvelle loi votée par l’Assemblée nationale.
Toutefois, le Code minier est muet sur « les actions spéciales » dont l’État pourrait bénéficier au titre des alinéas 1er et 2 de l’article 10 de la directive CEDEAO, précisant que :
« 1. Une autorité compétente d’un Etat membre peut par avis écrit demander à une société minière de lui octroyer une action spéciale, quel qu’en soit le nom donné par la société.
2. Les actions spéciales constituent une catégorie spéciale d’actions et les droits qui y sont attachés sont déterminés d’un commun accord entre l’autorité compétente de l’Etat membre et le titulaire du droit ou de titre minier.
3. Un Etat membre peut également participer au capital des sociétés minières opérant sur son territoire dans des conditions fixées d’un commun accord. ».
Donc, il aurait fallu dès le départ bien distinguer : la participation gratuite de l’État au capital social des entreprises minières, et les actions spéciales dont l’État pourrait bénéfier (ce sont deux choses parfaitement distinctes).
Concernant le recrutement du personnel dans les entreprises minières : l’article 109 du Code minier est plus strict par rapport à l’article 11 de la Directive CEDEAO, précitée. Or, en réalité, le Code minier aurait dû s’aligner sur ladite directive pour lui en être conforme.
En effet, l’article 109 du Code minier dispose :
« Les titulaires de titres miniers et leurs sous-traitants sont tenus de :
– respecter les conditions générales d’emploi conformément à la réglementation en vigueur ;
– accorder la préférence, à qualification égale, au personnel sénégalais ;
– mettre en œuvre un plan de formation et de promotion du personnel sénégalais de l’entreprise en vue de son utilisation dans toutes les phases de l’activité minière ; (…)
– former le personnel sénégalais de l’entreprise.
Des décrets peuvent déterminer, en fonction des nécessités économiques, démographiques et sociales, les possibilités d’embauchage des titulaires de titres miniers et de leurs sous- traitants. Ils peuvent, en vue du plein emploi de la main-d’œuvre nationale, interdire ou limiter l’embauchage de travailleurs étrangers, pour certaines professions ou certains niveaux de qualification professionnelle.
Les titulaires de titres miniers doivent contribuer, sur la base d’un protocole d’accord conclu avec le Ministre chargé des Mines, à l’appui institutionnel destiné à la formation continue du personnel, à la promotion et au développement du secteur minier du Sénégal. ».
Toutefois, en matière de recrutement du personnel local dans les entreprises minières, l’article 11 paragraphe 4 de la Directive CEDEAO n’imposait pas une condition de « qualification égale », en indiquant qu’ « [un] titulaire de droit ou de titre minier accorde dans toutes les phases de ses opérations, une préférence à l’emploi des citoyens des Etats membres, en particulier ceux des communautés les plus affectées en répondant dans toute la mesure du possible aux exigences de sécurité, d’efficacité et de rentabilité. ».
Dès lors, en imposant la condition de la « qualification égale », l’article 109 du Code minier rendait plus difficile les modalités de recrutement du personnel local, là où la directive CEDEAO accorde sans aucune condition : la préférence à l’emploi aux citoyens de l’État, en particulier ceux des communautés les plus affectées par l’extrême pauvreté dans les zones de production minière par exemple.
En droit, cela signifie que dès l’origine, l’article 109 du Code minier posait un problème de proportionnalité dans la mise en œuvre de la directive CEDEAO, notamment en ce qui a trait à la sauvegarde de l’effet utile de la directive. D’autant plus que, les Etats membres peuvent choisir les formes et les moyens les plus appropriés en vue d’assurer l’effet utile des directives communautaires. La proportionnalité s’apprécie à travers le fait que dans la mise en œuvre des directives communautaires, les États membres ne doivent pas dépasser en principe, ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par les directives.
Si l’on revient à l’article 109 du Code minier, il faut savoir que la directive CEDEAO avait déjà résolu l’éventuel problème de qualification du personnel local, en imposant aux entreprises minières un transfert de technologie et de formation du personnel local, en plus d’un programme détaillé de recrutement sous le contrôle des autorités étatiques compétentes.
C’est ainsi que l’article 11 paragraphe 1 de la directive CEDEAO dispose :
« Dans le cadre d’une politique de localisation, un titulaire de droit ou de titre minier exerçant sur le territoire d’un Etat membre, soumet aux autorités compétentes un progamme détaillé, agréé par celles-ci pour le recrutement, le transfert de technologie et la formation du personnel local, auquel il doit se conformer. ».
Ce n’est donc que très récemment, que l’article 94 du Règlement n°2/2023/CM/UEMOA du 16 juin 2023 portant Code minier communautaire, a posé l’obligation d’employer en priorité, à des qualifications égales et sans distinction quelconque, du personnel local ayant les compétences requises pour la conduite efficace des opérations minières à tous les niveaux de postes qualifiés.
Cela signifie que de 2009 (date d’adoption de la directive CEDEAO) à 2023 (date d’adoption du Règlement UEMOA), le Code minier sénégalais de 2016 en son article 109 comme sur bien d’autres dispositions, n’était pas conforme au droit communautaire africain.
Par ailleurs, sur le fondement de l’article 11 de la directive CEDEAO :
« Les Etats membres veillent à ce que la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) minières, et les Programmes alternatifs de subsistance (…) fassent partie des conditions requises pour l’octroi d’un droit ou titre minier. Ces programmes doivent contribuer à l’amélioration des conditions de vie des communautés minières et établis avec la participation active et le consentement des communautés locales.
Le non-respect par un titulaire de droit ou de titre minier des programmes mentionnés à l’alinéa (2) du présent article constitue une cause de révocation du droit ou titre minier. (…)
Dans le cadre de la réalisation des opérations minières, d’achat, de construction et d’installation des infrastructures, le titulaire de droit ou de titre minier doit adopter une politique de passation de marchés accordant la préférence :
a) aux matériaux et aux produits d’un Etat membre ;
b) aux agences de prestations de services installées dans un Etat membre et appartenant à un citoyen (entreprise ou autre) dudit Etat membre et/ou aux entreprises publiques en se conformant dans toute la mesure du possible aux normes de sécurité, d’efficacité et de rentabilité en vigueur. ».
Ce faisant, le non-respect de la RSE et des Programmes alternatifs de subsistance constituent des motifs de retrait d’un permis ou d’un titre minier. En outre, cette disposition accorde une attention particulière à l’amélioration des conditions de vie des communautés locales, que ce soit en termes de respect des normes de la législation du travail, ou de RSE, ou encore, de respect du contenu local, entre autres.
Sur la question de la transparence dans la gestion des ressources : l’article 25-1 alinéa 2 de la Constitution précise que :
« L’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durables. ».
Beaucoup d’efforts pouvant aller dans le sens de cette transparence ont été faits par l’État du Sénégal. Il en va ainsi de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractivesdu Sénégal (Voir, décret n° 881-2013 du 20 juin 2013 portant création, organisation et fonctionnement du Comité National de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (CN-ITIE)). Laquelle se présente comme un standard pour la bonne gouvernance des ressources minérales, assorti d’une norme qui lui sert de référentiel. Il en est de même, de la stratégie nationale de développement du contenu local dans le secteur minier (Voir, loi n° 2022-17 du 23 mai 2022 relative au contenu local dans le secteur minier ; décret n° 2023-990 du 4 mai 2023 portant organisation et fonctionnement du Comité national de suivi du Contenu local dans le secteur des hydrocarbures et des mines, entre autres) ; ou encore, de la question de l’accès du public aux informations et documents (Voir, article 6 du décret n° 2017-459 du 20 mars 2017, fixant les modalités d’application de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant Code minier).
Toutefois, il serait utile de renforcer davantage les prinicipes de transparence et de bonne gouvernance au regard de l’article 13 de la directive CEDEAO, indiquant que : « Les Etats membres prennent des mesures pour que les principes de bonne gouvernance tels qu’indiqués dans le Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance soient pleinement appliqués et pour combattre le trafic illicite portant sur les ressources et les activités minières. ».
Dans cette perspective, il serait alors possible d’explorer d’autres pistes, en ce sens que, la bonne gouvernance s’entend aussi dans le sens de la mise en place d’une gestion rationnelle des ressources minières à travers la valorisation et la promotion de l’expertise. Ce qui pourrait se traduire concrètement par la mise en place d’une Agence de régulation du secteur minier par exemple, et plus largement, du secteur pétrolier et gazier…
D’autant plus que, le Préambule de la Constitution du Sénégal affirme clairement « son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques ainsi qu’au principe de bonne gouvernance ».
La question de l’indemnisation des impactés des activités minières est récurrente (exemples : les impactés du zircon dans le village de Diogo (région de Thiès), en l’espèce le niveau des indemnisations était au cœur des débats en 2015. Il en va de même des impactés de la mine de phosphate de Hamady Hounaré (région de Matam), lesquels réclamaient trois milliards de francs CFA en guise d’indemnisation. C’est aussi le cas de deux autres communes du département de Kanel qui sont impactées par la mine de phosphate exploitée par la Société minière de la vallée (SOMIVA). De telle sorte qu’aujourd’hui : « Le ministre Birame Souleye Diop réclame la liste des riverains à indemniser », Voir par exemple, 24 Heures, n° 2101 du 8 mai 2024, p. 7 ; Voir aussi, Le Regard du 8 mai 2024, p. 3.
Pour autant, le Code minier est assez limité en matière de réparation des préjudices résultant des activités minières. Parce qu’il ne reconnaît que la réparation du préjudice matériel à travers son article 101 qui dispose : « Le titulaire de titre minier est tenu d’indemniser l’Etat ou toute personne physique ou morale pour les dommages et préjudices matériels causés. ».
Illustratif est à cet égard, l’article 93 du Code minier qui indique que :
« L’occupation des terrains par le titulaire du permis d’exploitation minière, à l’intérieur comme à l’extérieur des périmètres qui lui sont attribués, donne droit aux propriétaires des terrains ou aux occupants du sol à une juste indemnisation pour tout préjudice matériel causé.
Le montant de l’indemnité à verser est déterminé selon la législation en vigueur et les conventions internationales auxquelles le Sénégal est partie.
Les frais, indemnités et, d’une manière générale, toutes les charges relevant de l’application des dispositions sur l’occupation des terrains nécessaires, sont supportés par le titulaire du permis d’exploitation minière. ».
Le dernier alinéa de l’article 86 du décret n° 2017-459 du 20 mars 2017, fixant les modalités d’application de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant Code minier, renchérit en ces termes : « L’occupation ouvre droit au paiement d’une indemnité pour le préjudice matériel causé au(x) propriétaire(s) ou occupant(s) des terrains faisant l’objet de l’autorisation d’occupation. ».
Pourtant, en droit, le préjudice matériel ne constitue pas le seul type de préjudice susceptible de donner lieu à une réparation du fait des activités minières. Les préjudices pouvant être subis peuvent être de nature diverse (les préjudices corporels ; les préjudices moraux (la douleur morale, les préjudices esthétiques, les souffrances physiques, entre autres) ; les préjudices corporels ; les préjudices commerciaux ; et même, les troubles dans les conditions d’existence, etc.).
Le Code minier gagnerait peut-être à s’aligner sur les standards internationaux en matière de réparation des dommages pouvant être subis par les occupants légitimes des sols ou les agents, ou encore, les riverains, entre autres. En ce sens que, l’équité impose que la réparation d’un préjudice soit intégrale, mais, elle ne doit pas aller au-delà du préjudice effectivement subi.
Les impactés doivent être clairement identifiés et identifiables, mais, de son côté, l’État doit aussi compenser correctement les pertes subies par ces derniers, tout en limitant au mieux l’emprise irrégulière (c’est-à-dire, l’occupation ou la dépossession temporaire ou définitive d’une propriété immobilière privée effectuée par une entreprise minière ou par la personne publique elle-même). L’objectif recherché à travers la compensation est de mettre fin à un déséquilibre, par le biais du recours à un mécanisme de réparation essentiellement pécuniaire.
Dans l’hypothèse d’une expropriation ou d’occupation ou d’acquisition d’un terrain nécessaire à la mise en valeur d’une ressource minérale, on devrait appliquer l’article 4 de la directive CEDEAO :
« Une compensation appropriée et rapide doit être versée au propriétaire ou occupant légitime de tout terrain acquis pour la mise en valeur d’une ressource minérale.
Pour le calcul de toute compensation en vue de l’acquisition de terrain pour la mise en valeur d’une ressource minérale il doit être tenu compte des pertes subies par l’utilisateur du terrain, des désagréments causés au propriétaire terrien et à l’occupant dûment évalués, des pertes et des dégâts causés aux biens immeubles et à leurs dépendances, du manque à gagner, y compris les éventuelles pertes de revenu agricole et autres pertes raisonnablement prouvées, en versant une indemnité compensatrice conformément aux meilleures pratiques internationales en vigueur dans ce domaine (…). ».
Aujourd’hui, sur bien des domaines, le Code minier est dépassé par l’évolution du droit communautaire africain. Les exemples sont nombreux. En effet, lorsque l’on compare le Code minier avec le Règlement n° 2/2023/CM/UEMOA du 16 juin 2023 portant Code minier communautaire, on s’aperçoit que l’évolution de l’intégration communautaire africaine a fait naître des contradictions, voire, des insuffisances dans le Code minier sénégalais.
Exemples :
– Concernant les avantages fiscaux et douaniers pendant la phase de recherche : l’article 78 du Code minier prévoit une exonération des droits et taxes de douane, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et du prélèvement COSEC, pour les matériels, machines, équipements et matériaux destinés aux activités de recherche.
Or, l’article 154 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire ne prévoit pas des exonérations en la matière, lorsqu’il précise clairement que :
« Les matériels, machines, équipements et matériaux destinés aux activités de recherche et dont l’importation est strictement nécessaire à la réalisation du programme de recherche sont soumis au paiement :
– de droit de douane au taux de 5% ;
– de la redevance statistique au taux en vigueur ;
– du prélèvement communautaire de solidarité ;
– de tout autre prélèvement prévu dans le cadre de l’intégration (CEDEAO et UA).
Cette fiscalité à l’importation s’applique aux parties et pièces détachées destinées aux machines et équipements. Dans tous les cas, la valeur des parties et pièces détachées ne peut excéder 30% de la valeur Coût-assurance-fret (CAF) globale des machines et équipements importés.
Ce régime douanier s’applique aussi aux carburants et lubrifiants alimentant les installations fixes, matériels de forage, machines et autres équipements destinés aux activités de recherche. ».
Il en va de même pour les sous-traitants (article 158 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire).
En revanche, le Règlement UEMOA prévoit un certain nombre d’avantages fiscaux et douaniers pendant la phase de recherche. Par exemple :
« Les titulaires de permis miniers en phase de recherche bénéficient dans le cadre de leurs opérations de recherche minière des exonérations :
– de la taxe sur la valeur ajoutée ;
– de l’impôt minimum forfaitaire ou son équivalent ;
– de la contribution des patentes ou son équivalent ;
– des droits d’enregistrement sur les apports effectués lors de la constitution ou de l’augmentation du capital des sociétés.
L’exonération de la TVA porte sur les acquisitions internes, les importations de biens, les services fournis par les sous-traitants dont les contrats ont été visés par l’Administration des mines et travaillant exclusivement pour les sociétés minières dans le cadre de la réalisation des activités de recherche minière à l’exclusion de biens exclus du droit de déduction conformément à la législation fiscale de chaque pays de l’Union. », article 159 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire.
D’autres types d’exonérations fiscales et douanières sont également prévues pendant la phase des travaux préparatoires au bénéfice des titulaires de permis d’exploitation industrielle. C’est ainsi que l’article 161 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire dispose :
« Pendant la période des travaux préparatoires à l’exploitation minière, les titulaires d’un permis d’exploitation industrielle bénéficient dans les États membres, de l’exonération du droit de douane et de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’occasion de l’importation de matériels, matières premières, matériaux, carburants et lubrifiants destinés à la production d’énergie et au fonctionnement des véhicules à usages spéciaux ou de chantier ainsi que les équipements relatifs auxdits travaux à l’exception des prélèvements communautaires suivants au taux en vigueur :
– de la redevance statistique ;
– du prélèvement communautaire de solidarité ;
– de tout autre prélèvement prévu dans le cadre de l’intégration (CEDEAO et UA).
Ils bénéficient également dans le cadre de ces travaux, du régime de l’Admission Temporaire pour les équipements et matériels importés notamment des engis lourds, des véhicules de chantier, dans les conditions prévues par les dispositions du Code des Douanes de l’Union. ».
Toutefois, pour bénéficier de ces exonérations, les entreprises minières ont l’obligation d’annexer au permis d’exploitation industrielle : « la liste des matériels, machines et équipements y compris ceux ayant déjà servi dans la phase de recherche (…) », article 162 du Règlement UEMOA.
Étant entendu que, la durée de ces exonérations fiscales et douanières « ne peut excéder deux (2) ans. Une prorogation unique d’un (1) an peut être accordée par l’autorité compétente à compter de la date d’expiration du délai des deux ans et sous réserve que les investissements réalisés aient atteint au moins 50% des investissements projetés. », conformément à l’article 163 du Règlement UEMOA.
– S’agissant des dispositions fiscales et douanières pendant la phase d’exploitation : le Code minier sénégalais prévoit une exonération de tous les droits et taxes de douane(article 81).
Or, l’article 167 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire prévoit plutôt que : « pendant la phase d’exploitation, et à partir de la date de première production commerciale, tous les titulaires de permis d’exploitation industrielle s’acquittent des droits et taxes inscrits dans le Tarif Extérieur Commun (TEC) lors de toute importation ».
En outre, en vertu de l’article 170 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire : « Pendant la phase d’exploitation, les titulaires de permis d’exploitation (…) sont soumis au paiement des impôts, droits et taxes éligibles selon le régime fiscal de droit commun. ».
De surcroît, « le bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés est déterminé selon les dispositions fiscales applicables dans l’Union », article 171 Règlement UEMOA.
Donc, il faudrait que les entreprises minières s’attendent d’ores-et-déjà à ce qu’il ait des changements majeurs, notamment, en ce qui a trait à la suppression d’un certain nombre d’exonérations fiscales et douanières, mais aussi, à des taxations et paiement d’impôt conformément aux dispositions pertinentes du Règlement UEMOA, précité. Toutefois, des avantages fiscaux et douaniers existent dans les catégories spéciquement prévues par ledit Règlement.
Par ailleurs, s’agissant de la redevance superficiaire (article 75 du Code minier), il faut savoir que, l’article 152 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire précise que : « Les titulaires de permis miniers ou bénéficiaires d’autorisations sont soumis au paiement annuel d’une redevance superficiaire en fonction de la superficie et de l’ancienneté du permis minier ou de l’autorisation. ».
Le législateur sénégalais devrait penser aussi à intégrer dans le Code minier : « la taxe ad valorem assise sur le chiffre d’affaires après déduction des frais de transport (prix FOB) et d’affinage (…) », cette taxe doit être payée par les titulaires de permis d’exploitation, conformément à l’article 153 du Règlement UEMOA.
– Le Code minier ne comporte aucune disposition sur la gestion des gisements frontaliers et transfrontaliers ; or, c’est prévu aux articles 44 à 48 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire. Et le Sénégal dispose de gisements frontaliers. De même, le Code minier ne comporte aucune disposition spécifique relative au permis d’exploitation industrielle ; or, c’est prévu aux articles 32 à 43 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire. Le Code minier ne comporte aucune disposition sur la durée de l’autorisation industrielle de substances de carrières. Contrairement à l’article 79 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire qui prévoit une durée de 5 à 10 ans, renouvellement par 3 ans dans les mêmes conditions.
– Pour ce qui concerne la prospection : il y a une contradiction entre l’article 14 du Code minier qui prévoit une durée de l’autorisation de prospection n’excédant pas 6 mois), et l’article 51 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire qui prévoit une durée de l’autorisation de prospection allant de 6 mois à 2 ans.
– Il en va de même de la délivrance de l’autorisation d’exploitation minière semi-mécanisée : l’article 48 du Code minier prévoit une durée n’excédant pas 3 ans ; or, l’article 59 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire qui prévoit plutôt une autorisation valable pour 5 ans maximum.
– De plus, les deux premiers paragraphes de l’article 51 du Code minier sont plus contraignants par rapport à l’article 61 du du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire.
En effet, en vertu de l’article 51 du Code minier, le bénéficiaire de l’autorisation d’exploitation minière semi-mécanisée « démarre les activités d’exploitation au plus tard dans les deux (2) mois suivant l’attribution de ladite autorisation d’exploitation ».
Or, il y a une souplesse qui est accordée à cet égard, par l’article 61 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire, lequel prévoit que « le titulaire d’une autorisation d’exploitation semi-mécanisée commence les travaux préparatoires à la mise en exploitation du gîte dans un délai d’un (1) an maximum, à compter de la date d’attribution de l’autorisation.Il est tenu de les poursuivre conformément aux engagements pris. ».
– Concernant l’exploitation minière artisanale : il y a également une contradiction sur la durée de validité de l’autorisation : l’article 56 du Code minier prévoit une durée de 5 ans, renouvelable une ou plusieurs fois pour la même durée.
Or, l’article 64 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire prévoit plutôt une durée 2 à 5 ans, renouvelable par périodes de 2 ans.
– Le Code minier fait également une distinction entre « carrières publiques » d’une part ; et « carrières privées » d’autre part.
Or, cette distinction n’est pas retenue par l’article 75 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire, lequel fait une distinction tripartite entre :
- L’autorisation d’exploitation industrielle de substances de carrières ;
L’autorisation d’exploitation
- semi-mécanisée de substances de carrières ;
- L’autorisation d’exploitation artisanale de substances de carrières ;
Ces autorisations qui peuvent être temporaires ou permanentes sont délivrées à toute personne physique ou morale qui en fait la demande à l’Administration des mines.
– De même, l’article 85 du Code minier en utilisant le terme « autant que possible », demeure plus souple par rapport aux exigences posées par l’article 90 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire. Lequel ne laisse pas le choix aux titulaires de permis ou d’autorisations et leurs sous-traitants. Parce qu’en vertu de cette disposition, ils doivent accorder la préférence aux entreprises locales, notamment en ce qui a trait au contrat de prestations de services ou de fournitures de biens à des conditions équivalentes de prix, de qualité et de délais de livraison.
– L’article 108 du Code minier ne prend en compte que l’hygiène et la sécurité des agents ou des travailleurs. Or, le Règlement UEMOA portant Code minier communautaire prend en compte une dimension supplémentaire qui est « la santé au travail ».
– Sur la question de la réhabilitation (articles 103 et 104 du Code minier), il faut faire observer que, les articles 142 à 149 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire sont plus détaillés et précis sur la réhabilitation des sites miniers et de carrières, entre autres.
– Pour ce qui concerne la Convention minière : on note également une contradiction, en ce sens que l’article 117 paragraphe 2 du Code minier indique que : « Toutefois, pour la phase d’exploitation, sa première période de validité est de douze (12) ans renouvelable par périodes de validité n’excédant pas dix (10) ans ».
Or, l’article 85 paragraphes 2 et 3 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire considère plutôt que : « La Convention minière a une durée de validité de dix (10) ans ou la durée de vie de la mine si celle-ci est inférieure à dix (10) ans. Elle est renouvelable pour des périodes de validité n’excédant pas dix (10) ans lorsque le titulaire du permis a satisfait aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation minière applicable dans l’État membre. ».
En définitive, on retrouve les mêmes contradictions ou insuffisances, notamment, lorsque l’on compare le Code minier et le Règlement C/REG.17/07/23 du 7 juillet 2023 portant sur l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, entre autres.
Et pourtant, juridiquement, les Règlements communautaires sont directement applicables dans tous les États membres, et n’ont pas besoin, de ce fait, d’être transposés par un acte de droit interne. Cela signifie que ces Règlements communautaires s’intègrent immédiatement en tant que source de droit dans les ordres juridiques des Etats membres ; et ce, dès leur entrée en vigueur. Cela interdit donc aux États membres de s’adonner d’une manière ou d’une autre, à la réception ou à la transposition des Règlements communautaires.
Autrement dit, les États membres ne doivent pas reproduire le contenu des Règlements communautaires dans une loi nationale ou autres. Une telle procédure pouvant ressembler à une transposition déguisée en droit interne serait illégale, et donc, non conforme à l’effet utile et aux buts poursuivis par lesdits Règlements. Lesquels ont de plein droit un effet direct, parce qu’ils créent directement des droits et des obligations pour les particuliers (c’est-à-dire qu’ils produisent des effets immédiats dans les systèmes juridiques des États membres).
Un Code minier bousculé par les nouveaux impératifs en matière de préoccupations environnementales :
L’article 25-2 de la Constitution du Sénégal est assez précis en matière de protection de l’environnement, lorsqu’il dispose en effet que :
« Chacun a droit à un environnement sain.
La défense, la préservation et l’amélioration de l’environnement incombent aux pouvoirs publics. Les pouvoirs publics ont l’obligation de préserver, de restaurer les processus écologiques essentiels, de pourvoir à la gestion responsable des espèces et des écosystèmes, de préserver la diversité et l’intégrité du patrimoine génétique, d’exiger l’évaluation environnementale pour les plans, projets ou programmes, de promouvoir l’éducation environnementale et d’assurer la protection des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets et programmes dont les impacts sociaux et environnementaux sont significatifs. ».
En plus de la protection de l’environnement, il y a également une protection de la santé et de la sécurité des personnes face à d’éventuels risques ou dangers qui les menacent.
Dans cette perspective, en France par exemple, la fracturation hydraulique (qui consiste à extraire des gaz naturels de la roche avec un risque potentiel de contaminer l’eau et de causer des dégats à l’environnement), fut interdite depuis la loi du 13 juillet 2011.
Au demeurant, le forage pétrolier qui permet d’atteindre les roches poreuses et perméables du sous-sol susceptibles de contenir des hydrocarbures liquides et gazeux, peut causer aussi des dommages ou catastrophes environnementales.
En Afrique, l’article 4 paragraphe 4 de la Directive CEDEAO, prévoit que :
« Les Etats membres doivent classer certains terrains zones interdites aux activités d’exploitation minière, si ces zones comportent des risques particuliers pour la préservation de la sécurité y compris dans les zones à forte sensibilité environnementale, sociale et culturelle. ».
C’est justement la raison pour laquelle, l’article 106 du Code minier sénégalais souligne que :
« Des zones de protection peuvent être établies par arrêté du Ministre chargé des Mines, à l’intérieur desquelles la prospection, la recherche et l’exploitation minière de substances minérales sont interdites. Ces zones sont destinées à assurer la protection des édifices, des voies de communication, des ouvrages d’art, des vestiges mis à jour lors des travaux et partout où elles seraient nécessaires dans l’intérêt général. ».
S’agissant de l’abattage à l’explosif, l’article 96 du décret n° 2017-459 du 20 mars 2017, considère que : « Les procédés d’abattage de la masse exploitée ou des terres de recouvrement reconnus dangereux pour le personnel sont interdits. ».
Curieusement, le Code de l’environnement ne comporte aucune disposition relative à la réglementation des explosifs (c’est une lacune patente). De son côté, le Code minier reste très évasif, lorsqu’il se borne à indiquer à travers son article 108 relatif à l’hygiène et la sécurité dans les mines de carrières, que :
« Les règles d’hygiène et de sécurité applicables aux travaux de prospection, de recherche et d’exploitation, notamment dans les carrières, les usines et les laboratoires, ainsi que les règles de sécurité relatives au transport, au stockage et à l’utilisation des explosifs et produits dangereux sont fixées par décret. ».
L’article 102 du décret n° 2017-459 du 20 mars 2017, fixant les modalités d’application de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant Code minier, fait seulement référence à un « registre de gestion des explosifs et autres produits dangereux utilisés pour les opérations minières. ».
Il faudrait améliorer et simplifier la législation et la réglementation des explosifs au Sénégal. D’autant plus qu’ils sont régis par des textes anciens (loi n° 1964/52 du 10 juillet 1964 réprimant l’importation, la fabrication, la détention et le transport des explosifs ; décret n° 89-1539 du 19 décembre 1989 réglementant la fabrication, l’importation, la conservation, le transport et l’emploi des produits explosifs) ; lesquels n’ont jamais été actualisés et adaptés aux nouvelles préoccupations environnementales et écologiques.
Par ailleurs, la loi n° 2023-15 du 2 août 2023 portant Code de l’environnement, comporte une série d’interdictions :
En effet, l’article 174 du Code l’environnement précise que :
« Sont interdits :
– tous déversements, dépôts directs ou indirects de substances solides ou liquides susceptibles de polluer ou de dégrader le sol ou le sous-sol ;
– tous déchets industriels liquides ou solides toxiques pouvant entraîner et/ou la dégradation des sols ou sous-sols ;
– toute extraction de sable dans les zones non-autorisées ;
– toute activité anthropique contribuant à l’érosion des sols et/ou à leur dégradation ;
– tout enfouissement de nature à entraîner la contamination du sol et/ou du sous-sol. ».
En outre, sont interdits sur le fondement de l’article 181 du Code de l’environnement : l’utilisation à l’air libre du mercure dans l’amalgamation ; l’utilisation du cyanure dans l’exploitation minière artisanale ; mais aussi, la réutilisation des rejets et des résidus miniers toxiques dans l’exploitation minière artisanale.
De même, l’article 84 du Code l’environnement souligne que : « Le dépôt et l’entreposage des déchets dangereux dans des lieux autres que les sites et les installations qui leur sont réservés ainsi que leur enfouissement dans le sol ou le sous-sol sont interdits. ».
Sont également interdits, entre autres, « tout rejet, déversement, écoulement, dépôts direct ou indirect de toute natures susceptibles de provoquer ou d’accroître la pollution du littoral, des eaux continentales ou eaux marines dans les eaux sous juridiction sénégalaise. », article 146 du Code de l’environnement.
Cela signifie que sur plusieurs points, le Code minier gagnerait à s’aligner en partie sur le Code de l’environnement, et sur l’article 6 paragraphe 6 de la Directive CEDEAO, précitée ; lequel dispose : « Les Etats membres veillent à ce que les détenteurs des droits ou titres miniers prennent les mesures pour empêcher et gérer le déversement de cyanure, de mercure et autres substances similaires, de substances nocives à la santé humaine et à l’environnement, ainsi que les autres risque liés aux activités minières. ».
Dans le Code minier, il faudrait revoir la sanction prévue pour la protection de l’environnement, qui, aujourd’hui, se limite à une simple suspension de l’activité minière. À cet égard, l’article 123 du Code minier dispose :
« Lorsque l’activité minière se déroule dans des circonstances exceptionnelles pouvant générer une dégradation irréversible de l’environnement, de la santé et de l’hygiène des populations, les opérations minières peuvent faire l’objet d’une suspension immédiate. La durée de la suspension est fonction de la gravité de la situation et est fixée par voie réglementaire. La suspension peut être levée lorsque les conditions d’une exploitation normale sont de nouveau réunies. ».
On recommande alors de renforcer le mécanisme des sanctions dans le futur Code minier, à la lumière des sanctions prévues dans le Code de l’environnement (des sanctions administratives : articles 183 à 187 ; des sanctions pénales avec d’une part, la responsabilité des personnes physiques : articles 188 à 226 ; et d’autre part, la responsabilité des personnes morales : articles 227 et 228 du Code de l’environnement). Il serait même possible pour les dommages environnementaux, de prévoir dans le Code minier, un mécanisme de transaction dans le règlement des conflits à la lumière des articles 243 à 247 du Code de l’environnement.
En vertu de l’article 6 paragraphe 1 de la Directive CEDEAO, précitée :
« Avant d’entreprendre toute activité minière, un détenteur de droit ou de titre minier doit obtenir les permis et approbations nécessaires auprès des autorités compétentes de l’Etat membre chargées de la protection des forêts, de l’environnement, des autres ressources naturelles, les ressources en eau, et de la santé publique dans le cadre de ses activités minières. ».
Or, on ne retrouve pas l’ensemble de ces prescriptions dans le Code minier, lequel se borne à indiquer à l’article 105 que : « Les titres miniers délivrés en zone de forêts classées en application du présent Code doivent respecter les dispositions du Code forestier. ».
Donc, le Code minier aurait dû transposer correctement la Directive CEDEAO, précitée, sur ce point comme sur d’autres.
De plus, l’article 6 paragraphe 4 de la Directive CEDEAO, indique :
« Avant le début des opérations, les détenteurs des droits ou titres miniers doivent élaborer pour la mise en oeuvre des plans de réhabilitation et de fermeture des sites miniers ainsi que des plans pour l’après mine. Ces plans sont soumis à l’autorité compétente pour approbation. Cette estimation est soumise à des revues périodiques. ».
Aujourd’hui, le Code minier prend certes en compte la réhabilitation des sites miniers et de carrières à travers l’article 103 qui dispose : « Tout titulaire de titre minier procède obligatoirement à la réhabilitation des sites couverts par son titre minier. ».
Toutefois, le Code minier ne prévoit pas spécifiquement des « plans de réhabilitation et de fermeture »,conformément aux dispositions de la Directive CEDEAO, précitée.
C’est justement la raison pour laquelle, l’ancien Ministre des Mines et de la Géologie, Dr. Oumar SARR, avait eu l’idée de mettre en place une étude scientifique ayant débouché sur : le Rapport d’audit des Plans de Gestion Environnementale et Sociale (PGES). Lequel a permis de révéler, entre autres, que certaines entreprises minières ont un Plan de réhabilitation chiffré, tandis que d’autres entreprises minières n’en disposent pas. D’où la nécessité de mettre l’accent sur un état des lieux des entreprises minières, afin d’identifier les entreprises qui ont un PGES et un Plan de réhabilitation chiffré, et les entreprises qui n’ont ni un PGES ni un Plan de réhabilitation chiffré pour y apporter les réponses adéquates (Voir, Rapport d’audit des Plans de Gestion Environnementale et Sociale 2024).
En tout état de cause, la réforme du futur Code minier doit se conformer à la Directive CEDEAO, qui prévoit des « plans de réhabilitation et de fermeture », à travers son article 6 paragraphe 4.
S’y ajoute le fait que, l’Etat du Sénégal doit mettre en place « un fonds pour la réhabilitation environnementale », conformément à l’article 6 paragraphe 7 de la Directive CEDEAO, précitée.
Il ne faudrait pas confondre ce fonds avec le fonds de réhabilitation minière prévu à l’article 104 du Code minier qui dispose :
« Nonobstant les obligations découlant de l’article 103 du présent Code, tout titulaire de permis de recherche, d’autorisation d’ouverture et d’exploitation de carrière permanente, d’autorisation d’exploitation de petite mine, de permis d’exploitation minière et de contrat de partage de production, est tenu d’ouvrir et d’alimenter un compte fiduciaire auprès d’un établissement public spécialisé désigné par l’Etat. Ce compte est destiné à la constitution d’un fonds pour couvrir les coûts de la mise en œuvre du plan de gestion environnemental.
Les modalités d’opération et d’alimentation de ce fonds sont fixées par décret. ».
Pour mettre en œuvre l’article 6 paragraphe 4 de la Directive CEDEAO, le législateur sénégalais a justement institué à travers l’article 18 du Code de l’environnement : un Fonds spécial pour la protection de l’environnement.
Et pour le suivi de l’environnement marin et côtier, il est créé un Fonds spécial dénommé « Fonds national de Prévention et de Protection de l’environnement marin et côtier FN-PEM », article 19 du Code de l’environnement.
Étant entendu que, les entreprises qui investissent dans des activités de lutte contre les pollutions et nuisances peuvent demander une exonération non renouvelable sur les droits et taxes parafiscales prévus à l’article 16 pour une durée de trois ans (Voir, article 17 du Code de l’environnement).
L’article 6 paragraphes 2 et 3 de la Directive CEDEAO, prévoit que :
« (…) Les Etats membres adoptent des lois appropriées (là où il n’en existe pas) pour mettre en place des mécanismes de plaintes et des audits pour le respect des obligations résultant de la présente Directive relatives à la protection de l’environnement.
Les investisseurs miniers mènent leurs activités conformément aux lois et règlements nationaux, aux pratiques administratives et aux politiques relatives à la préservation de l’environnement des Etats membres dans lesquels ils opèrent et se conformer aux accords internationaux s’y rapportant, aux principes, objectifs et normes standards relatifs à l’environnement, l’hygiène, la santé publique et la sécurité et en général mener leurs activités de façon à contribuer à l’objectif global de développement durable (…) ».
Pour qu’il y ait de la cohérence dans l’application du droit minier sénégalais et du droit de l’environnement, il faudra instaurer des mécanismes qui permettraient au Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, et au Ministère de l’environnement de travailler en étroite collaboration. Cela pourrait passer par des mécanismes de coordination, de coopération et de collaboration entre lesdits Ministères.
Ceci serait d’autant plus nécessaire, compte tenu par exemple de l’avènement de nouvelles structures créées par le Code de l’environnement. Exemples : le Comité technique de validation et de suivi des Évaluations environnementales (Voir, articles 25 et 175 du Code de l’environnement) ; le dispositif d’intervention et de prévention dénommé : « Urgences Environnement » (Voir, article 99 du Code de l’environnement) ; la Commission Nationale de Gestion des Produits Chimiques (Voir, article 101 du Code de l’environnement) ; et des exigences déjà prévues à l’article 6 paragraphe 5 de la Directive CEDEAO qui dispose : « Des audits périodiques de l’environnement seront menés pour s’assurer de la performance environnementale des opérations minières et de l’efficacité des organismes chargés de la réglementation des mines (…) ».
Sachant que l’audit environnemental n’est pas prévu dans les dispositions du Code minier, il faudrait donc se conformer à l’article 42 du Code de l’environnement. Lequel prévoit que : « les projets et installations classées ayant réalisé, soit, une étude d’impact environnemental et social, soit, une analyse environnementale initiale, doivent effectuer à la fin du projet un audit environnemental. ».
Étant entendu que, l’Audit doit déterminer si les activités, produits, équipements, sites et services sont conformes à la réglementation environnementale et aux autres dispositions juridiques en vigueur (Voir, article 43 du Code de l’environnement).
Désormais, si l’audit environnemental constitue une étape importante, il n’en demeure pas moins que cela ne suffit pas. Parce qu’il doit être suivi d’une évaluation environnementale validée. Les deux combinés donneront lieu à un Certificat de conformité environnementale délivré par le Service chargé de l’environnement, conformément à l’article 25 du Code de l’environnement (la formule serait donc la suivante : Audit environnemental + Évaluation environnementale validée = Certificat de conformité environnementale).
Étant précisé que, « le Certificat de conformité et le plan de réhabilitation sont des pièces constitutives du dossier de demande d’autorisation d’exploitation minière artisanale délivrée par le Ministre chargé des Mines », en vertu de l’article 180 du Code de l’environnement.
Or, le Certificat de conformité environnementale n’est pas prévu dans le Code minier. Il faudrait donc là aussi, se référer à l’article 175 paragraphe 2 du Code l’environnement qui dispose :
« Tout titulaire de titre minier doit avant le démarrage des travaux de recherche ou d’exploitation minière, d’exploitation de petite mine, d’exploitation minière semi-mécanisée, d’ouverture et d’exploitation de carrières, disposer d’un Certificat de conformité environnementale ».
En revanche, l’évaluation environnementale est prévue à l’article 20 du Code minier, mais uniquement à travers les obligations attachées au permis de recherche :« Le titulaire d’un permis de recherche est soumis notamment aux obligations suivantes :
– réaliser une évaluation environnementale (…) ».
Ceci serait en contradiction avec le Code de l’environnement, qui, non seulement, fait de l’évaluation environnementale « une étape préalable et obligatoirement réalisée avant toutes procédures d’autorisation, d’approbation et d’octroi de permis », article 27 ; mais également, « [t]out demandeur de permis de recherche ou d’exploitation minière, d’autorisations d’ouverture et d’exploitation de carrières, d’exploitation de petite mine, d’exploitation minière semi-mécanisée, doit réaliser une évaluation environnementale.
Le rapport de l’évaluation environnementale validé par le comité technique de validation et de suivi des évaluations environnementales comprend un plan de réhabilitation et de fermeture, partie intégrante du plan de gestion environnementale et sociale. ».
À côté, il y a aussi l’évaluation environnementale initiale : y sont soumis les projets dont les effets sont présumés minimes et non préjudiciables à l’environnement, et dont la réalisation n’est pas prévue dans une zone à risque ou une zone écologiquement sensible (Voir, article 39 du Code de l’environnement).
Étant rappelé que, l’exploitation minière artisanale est assujettie à cette analyse environnementale initiale, en vertu de l’article 179 du Code de l’environnement.
Or, le Code minier ne comporte aucune disposition relative à l’évaluation environnementale initiale. Donc, là encore, il faudra se référer au Code de l’environnement ou modifier le Code minier, de manière à simplifier et à l’adapter à l’évolution du droit en matière de préoccupations environnementales.
Il en va de même pour l’évaluation environnementale stratégique,qui est « une étape préalable et obligatoirement réalisée avant tout développement et mise en œuvre d’un programme », article 30 du Code de l’environnement.
S’agissant de la demande d’autorisation minière artisanale (articles 54 à 61 du Code minier), l’article 179 du Code de l’environnement souligne que : « Toute attribution de sites ou de couloir pour l’exploitation minière artisanale est assujettie à une analyse environnementale initiale ».
Or, le Code minier est muet sur la question de cette analyse environnementale initiale. Cela nécessite donc des aménagements à bien des égards.
Parallèlement, d’autres raisons militent aussi en faveur de l’obligation de coopération, de collaboration et de coordination entre les Ministères concernés. En ce sens que, pour la protection de l’environnement, « il est institué des droits, redevances et taxes parafiscales supportés par les exploitants des installations classées ou toute personne qui mène une activité réglementée à incidence environnementale. », article 16 du Code l’environnement. Ce qui, nécessairement, aura un impact sur les activités minières. En outre, « en cas d’expiration, de renonciation partielle ou totale ou d’annulation du titre minier ou de l’autorisation, le titulaire prend toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde de l’environnement, conformément au plan de réhabilitation », article 178 du Code de l’environnement (parallèlisme avec l’article 103 du Code minier sur la réhabilitation des sites miniers et de carrières, l’article 104 sur la garantie de réhabilitation minière, le décret n° 2009-1335 portant création du fonds de réhabilitation des sites miniers…).
Certes, l’étude d’impact environnemental est prévue à l’article 102 du Code minier, mais, l’article 33 du Code de l’environnement y ajoute une dimension sociale, en faisant notamment référence à ce qui est convenu d’appeler : l’étude d’impact environnemental et social (Voir aussi, l’article 20, mais aussi, l’article 34 qui fait référence au « contenu du rapport de l’étude d’impact environnemental et social »). En revanche, l’article 21 du Code de l’environnement met plutôt l’accent sur l’étude d’impact environnemental avec risque environnemental majeur.
Le Code de l’environnement comporte aussi d’autres dispositions ayant une incidence directe ou indirecte sur les activités minières, et sans que cela ne figure dans le Code minier. Il en va ainsi de la lutte contre la pollution et la dégradation des sols et sous-sols (articles 173 à 182 du Code de l’environnement) ; la lutte contre la pollution des eaux (articles 144 à 162 du Code de l’environnement) ; la lutte contre la pollution de l’air (articles 163 à 172 du Code de l’environnement) ; des prescriptions contre les nuisances sonores (articles 142 et 143 du Code de l’environnement) ; ou encore, la gestion des substances chimiques nocives et dangereuses, ainsi que le transport de matières dangereuses (article 100 du Code de l’environnement ; Voir aussi, les articles 102 à 114, mais aussi, les articles 115 à 128 du Code de l’environnement), entre autres.
Toutefois, à titre d’exception, les forêts classées et zones de protection sont prévues aux articles 105 et 106 du Code minier, mais, curieusement, elles ne sont pas prévues dans une disposition spécifique du Code de l’environnement.
Une autre incidence du Code de l’environnement sur le Code minier serait aussi la question cruciale des installations classées. Étant rappelé à toutes fins utiles que, les installations classées sont souvent en lien avec des établissements sensibles, dangereux, insalubres, polluants, ou qui causent des nuisances, entre autres.
En effet, il faut savoir que s’agissant desinstallations classées pour la protection de l’environnement, le Code minier sénégalais ne comporte aucune disposition les régissant.
En revanche, elles sont prévues aux articles 44 à 62 du Code de l’environnement. Ce qui signifie que là aussi, il faudra se référer au Code de l’environnement ou modifier le Code minier sénégalais pour l’adapter aux impératifs environnementaux.
D’autant plus que, l’article 44 du Code de l’environnement précise bien que ses dispositions s’appliquent « aux usines, ateliers, dépôts, chantiers, mines et carrières, aux équipements sous pression de vapeur et de gaz et d’une manière générale, aux installations industrielles, pétrolières et gazières artisanales ou commerciales exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale et à toutes autres activités qui présentent des dangers pour la santé et l’environnement. ».
C’est parce que certaines activités industrielles, notamment celles qui sont soumises à la législation des installations classées, sont susceptibles de présenter des risques graves pour la population et l’environnement. L’idée consisterait donc ici, à prévenir les accidents qui pourraient être causés par certaines activités industrielles, minières, pétrolières, gazières, ou même artisanales ou commerciales, en limitant leurs conséquences sur l’homme et sur l’environnement. On se situe donc là dans une logique de protection de la santé publique, mais aussi, de la sécurité et de la salubrité publiques.
À cet égard, il a été mis en place un régime juridique des installations classées à travers les articles 45 et suivants du Code de l’environnement.
En effet, en vertu de l’article 45 du Code de l’environnement :
« Les installations (…) sont divisées en deux classes selon des critères liés à l’indice ale de leur exploitation tels que définis dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. La nomenclature est établie par arrêté du Ministre chargés de l’environnement. ».
Ce faisant, l’article 46 du Code de l’environnement précise que c’est :
« En fonction de leurs impacts sur l’environnement et du danger que peut présenter leur exploitation, les installations classées pour la protection de l’environnement sont soumises au régime de l’autorisation pour les installations de la première classe ou au régime de la déclaration pour les installations de la deuxième classe. ».
Autrement dit, au Sénégal, certaines installations classées seront soumises au régime de l’autorisation ; tandis que d’autres installations classées sont soumises au régime de la déclaration.
a) Les installations classées soumises au régime de la déclaration :
Ce sont les installations de la deuxième classe. En principe, elles seront précisées en détail dans le futur décret d’application de la loi n° 2023-15 du 2 août 2023 portant Code de l’environnement.
Toujours est-il, en présence d’un régime de déclaration, l’administration n’aurait pas le droit en principe, de s’opposer à l’ouverture de ces installations, mais, elle pourrait vérifier si elles n’entraînent pas des inconvénients lors de leur fonctionnement.
Si au cours du fonctionnement de l’installation, il y aurait des modifications, il faudrait alors dans cette hypothèse, procéder à une nouvelle déclaration auprès de l’administration.
On imagine d’emblée que le futur décret d’application du Code de l’environnement exigera un certain nombre de pièces justificatives au demandeur(exemples : qualité du demandeur, emplacement, nature et volume de l’activité, nomenclature de l’activité, annexes, plan de situation du cadastre, plan des abords, description de l’installation (affectation des constructions, etc.)…
b) Les installations classées soumises au régime de l’autorisation :
Ce sont les installations de la première classe. Lesquelles seront également précisées dans le futur décret d’application de la loi n° 2023-15 du 2 août 2023 portant Code de l’environnement.
Compte tenu du danger ou des risques que cela pourrait représenter, les installations classées soumises au régime juridique de l’autorisation se conformeront à un régime plus lourd, afin de protéger l’environnement contre les installations polluantes ; mais aussi, contre les émissions dans l’air, l’eau, le sol ; ou encore, pour réduire les déchets. Le futur décret d’application du Code de l’environnement nous édifiera. Même si, on pense d’ores-et-déjà que la demande d’autorisation d’une installation classée devrait émaner du futur exploitant, et pas nécessairement du propriétaire. De même, on pense que la demande d’autorisation d’une installation classée devrait être accompagnée d’une étude d’impact, d’une étude de danger, entre autres (le futur décret d’application aura pour but de clarifier et de détailler tous ces éléments, y compris la nomenclature précise des installations classées).
Pour autant, ce pouvoir de police administrative spéciale en matière d’installations classées va absorber plusieurs secteurs, tels que les mines et carrières, les installations industrielles, pétrolières et gazières, artisanales ou commerciales, les usines, les ateliers, les dépôts, les chantiers, les équipements sous pression de vapeur et de gaz, Voir, article 44 du Code de l’environnement.
Conclusion :
En tout état de cause, le Code minier sénégalais est dépassé par l’évolution du droit communautaire et bousculé par les nouvelles préoccupations en matière environnementale.
Aujourd’hui, il y a donc une nécessité d’adapter et de moderniser les règles juridiques du secteur minier au Sénégal. Cela devrait passer par une actualisation du Code minier dont la réforme est aujourd’hui au milieu du gué.
Il faudrait, non seulement, appliquer correctement le Règlement n°2/2023/CM/UEMOA du 16 juin 2023 portant Code minier communautaire, mais également, procéder à latransposition complète de la Directive de la CEDEAO C/DIR 3/05/09 du 27 mai 2009, portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier. Et ce, de manière à faire ressortir clairement l’intérêt national à travers le pacte de stablité, mais aussi, à travers les dispositions fiscales et douanières contenues dans les Conventions minières, entre autres.
Justement, le Règlement portant Code minier communautaire, offre une base juridique aux États membres de l’UEMOA ; il constitue un terrain particulièrement fécond et propice à une modification des Conventions minières de manière plus favorable à l’intérêt national, et à l’intérêt des agents du secteur minier…
En l’espèce, les entreprises minières ne pourront pas s’opposer à la suppression d’un certain nombre d’exonérations fiscales et douanières prévues par le Règlement n°2/2023/CM/UEMOA du 16 juin 2023 portant Code minier communautaire (lequel est directement applicable dans tout État membre).
Sur ce point, l’Etat ne s’expose pas à un risque pouvant conduire les entreprises minières à solliciter « un soi-disant » arbitrage international qui serait perdu d’avance pour elles, en raison de l’application normale des dispositions fiscales et douanières contenues dans ledit Règlement UEMOA et dans la Directive de la CEDEAO portant sur l’harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier.
De plus, dans les Conventions minières, depuis le début de l’année 2024, le contentieux fiscal et douanier est désormais exclu des mécanismes de règlement des différends. Cela veut donc dire, qu’il ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage international. Par conséquent, le contentieux fiscal et douanier est soumis au droit et aux juridictions internes de l’État sénégalais.
D’ailleurs, l’article 200 du Règlement UEMOA portant Code minier communautaire rend plus difficile le recours aux tribunaux arbitraux internationaux pour la résolution des litiges dans le domaine minier. En effet, en cas de litige, l’article 200 dudit Règlement incite plutôt les parties à un règlement de l’affaire à l’amiable, en ces termes :
« En cas de désaccord entre le titulaire d’un permis minier ou le bénéficiaire d’une autorisation et l’État dans l’exécution du présent code et de ses Règlements d’exécution, les deux parties peuvent convenir d’un règlement à l’amiable par la désignation d’un ou de deux experts indépendants agissant à titre consultatif pour tenter de résoudre le différend. ».
De même, en cas de désaccord par exemple sur l’interprétation d’une Convention minière, entre autres, l’article 200 du Règlement UEMOA accorde aussi, le privilège de juridiction aux tribunaux de droit commun de l’Etat et non au tribunal arbitral international, en indiquant que :
« Les différends nés de l’interprétation ou de l’application d’une convention conclue entre un titulaire de permis minier et un État membre conformément aux dispositions du présent code et qui n’ont pas trouvé solution à l’amiable sont soumis :
– aux tribunaux de droit commun de l’Etat membre ayant juridiction ».
Ce n’est donc qu’à titre d’exception, que le tribunal arbitral international pourrait être saisie en matière de différends relatif à l’interprétation ou à l’application d’une convention conclue entre un titulaire de permis minier et l’État. Et cette dérogation spécifique en matière d’interprétation est strictement encadrée par l’article 200 du Règlement UEMOA qui l’autorise seulement lorsque la convention minière le prévoit. C’est la seule hypothèse où les parties pourront recourir à un tribunal arbitral constitué en vertu du droit de l’État ou à un tribunal arbitral international.
Par ailleurs, il faudrait mieux tenir compte des incidences du droit communautaire africain sur le droit interne des États membres, et mieux valoriser l’expertise.
Il serait nécessaire de créer au sein du Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, ce que nous proposerons d’appeler : la Direction de la Recherche, de l’Innovation et de la Projection (DRIP), avec un budget conséquent qui lui est propre, de manière à faire profiter à l’État de l’expertise sénégalaise dans le domaine minier, pétrolier et gazier. Le Sénégal ne pourra pas profiter de ses ressources en méprisant l’expertise à travers la valorisation de la Recherche et de l’Innovation…
Il faudrait mettre en place des mécanismes périodiques, voire, permanents de coopération, de collaboration et de coordination entre les Ministères (notamment, entre le Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines et le Ministère de l’environnement ; mais aussi, entre le Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines et le Ministère des finances et du budget…) ; en plus du Ministère de l’intégration africaine et des affaires étrangères en raison des incidences du droit communautaire africain sur le droit des États membres.
Logiquement, les demandes d’autorisation de permis ou de titres miniers devront être assorties de prescriptions sociales, fiscales, environnementales, entre autres.
Mais, aujourd’hui, l’application du Code de l’environnement au secteur minier laisse à désirer, et nécessiterait des aménagements adéquats sur ce domaine comme dans d’autres.
IIl faudrait revoir la législation et la réglementation des explosifs au Sénégal.
Il faudrait élaborer, en collaboration avec les acteurs du secteur : une charte des bonnes pratiques minières au Sénégal (un peu à l’image du Guide pratique relatif à la mine artisanale en Afrique de l’Ouest francophone).
Sur la question de la transparence relative à l’application de l’article 25-1 alinéa 2 de la Constitution, il faudrait penser à renforcer les obligations d’informations avec des mécanismes de sanctions en cas de non-respect ; mais aussi, la participation du public dans les activités minières, de manière à ne pas limiter cette participation à la société civile, qui, à bien des égards, n’est pas représentative du public sénégalais.
Ce faisant, il serait tout à fait possible d’impliquer les citoyens sénégalais à travers des mécanismes de consultations ponctuelles, périodiques, voire, permanentes.
Afin de limiter les impacts des entreprises minières sur les populations et sur l’environnement, il faudrait peut-être penser à bâtir un véritable droit des implantations industrielles au Sénégal, et ce, en parallèle avec le Code de l’environnement et la législation sur les explosifs et produits dangereux. Cela pourrait passer par exemple, par la mise en place de plans d’exposition aux risques technologiques autour des installations classées, de manière à limiter les dégâts écologiques et environnementaux.
Il faudrait lutter contre l’extrême pauvreté dans les zones de production minière, renforcer la RSE, les Programmes alternatifs de subsistance, tout en étant plus rigoureux sur le respect du Code du travail, entre autres.
L’activité minière ne cause pas seulement un dommage environnemental. Le dommage peut être aussi d’ordre sanitaire ou affecter l’humain en tant que tel. Par conséquent, il faudrait prévoir un dispositif rationnel d’indemnisation et de réparation des dommages miniers qui ne va pas se limiter à la question de la réhabilitation. Ce dispositif devrait couvrir aussi les dommages miniers qui affectent les riverains des sites, les impactés, entre autres.
Il faudrait peut-être penser à soumettre l’autorisation d’ouverture de travaux miniers à la constitution de garanties financières, et donc, ne pas limiter la garantie à la question de la réhabilitation. L’idée serait ici, de faire en sorte que ces garanties financières puissent apporter les réponses adéquates en fonction de la nature ou de l’importance des dommages miniers(mesures d’arrêt des travaux à réaliser, surveillance du site, maintien en sécurité des installations, interventions éventuelles en cas d’accident avant ou après la fermeture du site, etc.).
Il serait possible aussi de prévoir dans le futur Code minier, la soumission des litiges pouvant naître des décisions, permis, titres et autorisations à un régime contentieux de pleine juridiction ; tout en refusant une demande de titre ou permis en cas de doute sérieux sur la possibilité de conduire l’exploration ou l’exploitation d’une substance de mines ou de carrières sans porter une atteinte grave aux intérêts légitimes protégés par la législation ou la réglementation minière sénégalaise.
Il faudrait davantage mettre en pratique les préoccupations en termes de sécurité et de salubrité publiques, mais aussi, les impératifs environnementaux liés aux activités minières, en faisant en sorte de veiller sur les propriétés ou caractéristiques essentielles de chaque milieu (terrestre, maritime, espaces naturels, faune, flore, équilibres biologiques, intérêts agricoles, impacts de l’exploitation sur la population, etc.), tout en améliorant le contenu local.
Aujourd’hui, la modernisation du droit minier sénégalais est une nécessité. Elle devrait passer par une réforme du Code minier, une simplification du droit, et une prise en compte de l’ensemble des éléments indiqués au cours de cette étude…
Il devient absolument nécessaire de valoriser l’expertise à travers la mise en place par exemple d’une Direction de la Recherche, de l’Innovation et de la Projection (DRIP), entre autres.
Enfin, est-ce qu’il ne serait pas nécessaire de faire de cette formule de Steve Jobs une devise : « Cela n’a aucun sens d’embaucher des gens intelligents et de leur dire quoi faire. Nous embauchons des gens intelligents pour qu’ils puissent nous dire quoi faire. » ?
Par Alioune GUEYE Juriste