Ceux qui s’attendaient à une rupture avec la 14ème législature qui a débuté hier vont devoir déchanter. Car, hier, on a assisté à un spectacle affligeant, pire que ce que l’on a connu jusque-là
Place Soweto, lors de l’installation des députés élus le 31 juillet dernier. Des empoignades, des insultes, des propos de bornes-fontaines, des jets de bouteilles, des micros arrachés et cassés, des fauteuils fracassés, des appels au règlement chahutés…n’en jetons plus ! Pis, les gendarmes ont carrément pris possession de l’hémicycle à tel point que l’on se serait cru dans une caserne militaire. Autant dire le tout nouveau président de l’Assemblée nationale, Dr Amadou Mame Diop, a été élu sous haute surveillance de gendarmes et après un boycott des députés de l’opposition. Triste vraiment !
Le Dr Amadou Mame Diop a été élu dans des conditions inhabituelles avec la présence d’une meute de gendarmes qui ont remis de l’ordre dans l’hémicycle et permis au vote de se dérouler. Le candidat de la belle-famille du président de la République a obtenu 83 voix sur 84. Un scrutin marqué par le boycott de l’opposition qui contestait le système de vote avec des bulletins sur lesquels il y avait les noms des candidats. Mais avant le vote qui s’est tenu vers 20 heures, le public, la presse et les téléspectateurs restés chez eux ont assisté à une journée marquée par des échanges de propos de charretiers et des affrontements entre députés de l’opposition et de la majorité présidentielle.
A 8 heures déjà, la salle de l’Assemblée nationale recevait ses premiers députés de la 14ème législature. Ceux de la coalition au pouvoir ont été les premiers à entrer dans l’hémicycle avec à leur tête Mimi Touré, Amadou Bâ, Abdoulaye Daouda Diallo, Farba Ngom le griot du Président ou encore Oumar Youm. Ils prennent place à droite de la salle comme il est de coutume pour les élus de la mouvance présidentielle. Du haut de la tribune, les militants de l’opposition et les partisans du pouvoir assuraient l’ambiance avec des applaudissements à chaque fois qu’un député d’un des deux camps faisait son apparition. Quelques minutes après l’installation des élus de la majorité, ceux de l’opposition, notamment les députés de Yewwi Askan Wi prenaient place sous les applaudissements du public. Ils sont dirigés par Abass Fall et Birame Soulèye Diop qui indiquent aux autres députés les sièges sur lesquelles ils doivent s’assoir. Parmi ces élus, on aperçoit Guy Marius Sagna, Ahmed Aidara et Barthélémy Diaz qui a été fortement ovationné par les militants de Yewwi Askan Wi. Ils sont suivis par les autres députés de la coalition Wallu Sénégal avec à leur tête Mamadou Lamine Diallo. Ils rejoignent leurs camarades de l’opposition déjà installés à gauche de la salle. Les vieilles connaissances se saluent et échangent quelques mots.

Présence de ministres
Mame Diarra Fam, élue du Parti démocratique sénégalais qui siégeait déjà dans la précédente législature, est la dernière à entrer dans la salle. Habillée d’une tenue de couleur mauve avec des perles et autres garnitures, elle marque sa présence en allant serrant la main à plusieurs élus, sans oublier le représentant du gouvernement, Samba Sy, présent en sa qualité de ministre du Travail, du Dialogue social et des relations avec les Institutions. Comme à ses habitudes, l’élue du département de Pikine, tout sourire, chapeau bien posé sur la tête, rejoint sa place tranquillement. Peu avant elle, son camarade de parti, Cheikh Abdou Bara Mbacké Dolly, avait fait son apparition et eu ces mots a l’endroit de la presse : «Je suis là». Quelques secondes après, il convoque l’article 54 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui interdit à tout ministre en activité de siéger à l’hémicycle, la fonction étant incompatible avec le mandat de député. De l’autre côté, les députés de la mouvance présidentielle quittent la salle en masse avant de revenir plusieurs minutes après. Les ténors de la majorité dont Amadou Bâ, Mimi Touré, Abdoulaye Baldé, Abdoulaye Diouf Sarr et Farba Ngom se suivent sur la rangée de devant. Chacun a les yeux rivés sur son téléphone et n’échange presque pas avec les autres. Pendant plus de deux heures, les députés ont attendu tranquillement le démarrage des travaux.
Lasse de l’attente, la députée Ami Ndiaye Ngibi de Kaffrine demande aux élus de l’opposition d’arrêter leur réunion afin que l’installation du bureau puisse se faire. S’ensuit une série d’échanges entre députés des deux camps.
Aida Sow Diawara dépassée
Le calme plat qui régnait est perturbé surtout quand un des huissiers passe pour distribuer des enveloppes sur lesquelles se trouvent les noms des quatre candidats ayant postulé pour le poste de président de la deuxième institution du pays. Guy Marius Sagna et compagnie se lèvent pour aller empêcher l’agent du l’Assemblée de poursuivre son travail. Il sera suivi par Abass Fall, Cheikh Aliou Bèye et beaucoup d’autres députés de l’opposition qui prennent part ensuite à une bagarre générale entre les deux camps. Arrive alors Aïda Sow Diawara, la présidente de la séance, car étant la doyenne d’âge de cette assemblée. Elle a été assistée par les deux plus jeunes des 165 députés qui sont tous les deux de la coalition Yewwi Askan wi. Il s’agit de Serigne Abo Mbacké Thiam, qui a procédé à l’appel nominatif des membres, et Astou Bâ. Un peu avant 15 heures, les travaux démarrent avec la lecture du règlement intérieur. Dans la salle, un député de l’opposition crie et fait appel au règlement. Plusieurs députés de l’opposition se succèdent au pupitre pour évoquer l’article 54 qui parle de l’incompatibilité des fonctions de ministre et de député. Ceux de l’autre camp aussi convoquent le même texte, mais demandent également aux députés de l’opposition de parler de Birame Soulèye Diop qui est un agent des Impôts et Domaines.
Donc, qui occupe une fonction publique. La présidente Aïda Sow Diawara, dépassée par les évènements, a du mal à se faire entendre. Les échanges se poursuivent jusqu’à 19 heures. Et il a fallu faire appel aux gendarmes du général Daouda Diop, commandant de la Légion mobile, pour ramener l’ordre dans l’hémicycle.
Mais les députés de l’opposition refusent de se laisser faire. Ils encerclent l’urne et se mettent sur le pupitre.
Les pandores réussissent néanmoins à faire revenir l’ordre pour permettre au vote de se faire. Un spectacle affligeant et lamentable, assurément, de la part de ces députés de la 14ème législature naissante !
Senhorizon/YD
