Le juge Mamadou Yakham Keïta avait ouvert la voie, et les autres se sont engouffrés dans la brèche. Puisqu’il ne lui avait fallu qu’une demi-journée pour sanctionner Ousmane Sonko du minimum espéré, les demandeurs n’ont eu également besoin que d’une demi-journée pour obtenir l’acte de jugement et introduire leur appel. Gatsa gatsa à rebours ?
Le Quotidien avait annoncé que le juge Mamadou Yakham Keïta, qui avait expédié le procès de Mame Mbaye Niang contre Sonko en première instance, à la mode fast track, faisait l’objet de pressions, jusque dans sa propre hiérarchie, pour qu’il délivre au plus vite l’acte de jugement, afin de permettre aux parties demanderesses d’introduire leur appel. Les choses n’ont pas traîné.
Avant-hier, 3 avril, le juge Yakham Keïta a mis à disposition du greffe le fameux acte de jugement. Dans la même journée, les parties ont pu introduire leur recours en appel pour que soit rejugée l’affaire de diffamation qui oppose le leader du parti Pastef au ministre du Tourisme. Ce qui pousse des observateurs à dire que le juge Yakham Keïta pensait sans doute faire une fleur à Ousmane Sonko dont on a découvert qu’il avait des liens de proximité avec lui, en expédiant rapidement le procès, au point de donner son verdict quasiment sans consulter ses assesseurs. Mais en fin de compte, cette précipitation s’est retournée contre lui et son protégé. Il est en effet inédit, si ce n’est pas unique dans l’histoire de la Justice sénégalaise, qu’un dossier d’appel soit enrôlé dès le jour de la publication de l’acte de jugement. Ce qui donne encore plus de crédit au malaise dont Le Quotidien avait fait état dans ses éditions du lundi et mardi derniers. En effet, le procureur et la partie civile estiment que Justice n’a pas été faite en première instance.
Jugement Mame Mbaye Niang- Ousmane Sonko : Le malaise de Thémis
Pour les conforter dans cette conviction, il est noté que l’acte de jugement n’a pas tenu compte de toutes les demandes de la partie civile. On sait que Mame Mbaye Niang, dans sa demande de dommages et intérêts, voulait 29 milliards, et demandait une exécution provisoire, avec contrainte par corps. En lui accordant les 200 millions, le juge a mis à la corbeille l’exécution provisoire ainsi que la contrainte par corps. On se rappelle que c’est le jeudi 30 mars dernier qu’a été jugé le procès en diffamation opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko. Le ministre du Tourisme réclamait au leader du parti Pastef, qui l’a accusé de détournement de 29 milliards au détriment du Prodac dont il avait eu à assurer la tutelle. Mame Mbaye Niang assurait que, contrairement aux déclarations de M. Sonko, aucun rapport, de l’Igf ou autre, n’a jamais mis en cause sa gestion au Prodac. Il allait jusqu’à assurer que si son adversaire pouvait présenter un rapport l’incriminant dans cette affaire, il était prêt à démissionner de ses fonctions.
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Quoi qu’il en soit, cette affaire semble être partie pour être traitée en mode fast track. La plainte vient d’être enrôlée, et il ne faudrait pas s’étonner que le procès en Appel intervienne dans les délais les plus rapides, tant les plaignants semblent pressés de corser les sanctions contre M. Sonko. On peut aussi s’attendre à ce que les louvoiements et multiples renvois qui ont tenu le pays en haleine pendant une longue période se poursuivent cette fois encore. Néanmoins, pour les deux parties, le facteur humain ayant son importance, comme on l’a vu lors du procès en première instance, on se demande ce que Mame Mbaye Niang et le Parquet mettront en œuvre pour s’éviter de devoir se retrouver avec des juges dont les sympathies, plus ou moins affichées, iront vers leur adversaire. Et si Sonko aura encore des ressources pour trouver en Appel, un autre juge qui lui collera une peine tout aussi symbolique.
SN/YD/SHN/ LE QUOIDIEN