Le rappel est utile aux croyants, dit-on. Le Sรฉnรฉgal sort dโannรฉes extrรชmement difficiles. Depuis les annรฉes 2000, nous avons assistรฉ ร une politisation progressive de nos institutions, marquรฉe par des nominations qui ont souvent foulรฉ aux pieds les principes de compรฉtence et de mรฉrite.
ร partir de 2012, la situation sโest aggravรฉe : scandales financiers ร rรฉpรฉtition, falsification des comptes publics, dรฉtournements de deniers, violations flagrantes de nos lois. Dans ce contexte, ร quoi pouvions-nous rรฉellement nous attendre ?
Mรชme les grandes puissances diplomatiques comme la France ou les รtats-Unis voient aujourdโhui leur influence remise en question. Et nous, sur un continent jeune et en pleine recomposition gรฉopolitique, assistons ร une montรฉe en puissance des ambitions nationales. Chaque pays cherche ร sโaffirmer sur la scรจne internationale.
Alors, si lโancien rรฉgime sรฉnรฉgalais รฉtait aussi influent quโil le prรฉtend, pourquoi nโa-t-il pas activรฉ ses fameux rรฉseaux pour soutenir le candidat national ? Subitement, tout le monde devient expert en diplomatie. Incroyable, mais vrai.
Soyons clairs : la BAD est un partenaire stratรฉgique, mais notre destin ne dรฉpend pas dโune รฉlection dans une institution, aussi prestigieuse soit-elle. Les urgences sont ailleurs. Il faut cesser de croire que le Sรฉnรฉgal est le centre de lโAfrique, ou pire, du monde.
Devions-nous mรชme prรฉsenter un candidat ? Avant lโรฉlection de Sidi Ould Tah, la BAD a connu huit prรฉsidents, dont le Sรฉnรฉgalais Babacar Ndiaye (1985-1995). Depuis, seuls trois se sont succรฉdรฉ. Sur 54 รtats africains, tous riches en compรฉtences et en รฉlites, devons-nous briguer chaque cycle รฉlectoral ? Mรชme un poids lourd comme lโAfrique du Sud nโa pas rรฉussi ร faire รฉlire sa candidate. Soyons raisonnables.
Le monde change. Nous devons sortir de notre nombrilisme et de ce narcissisme diplomatique qui ne mรจne nulle part. Nous remporterons de moins en moins dโรฉlections internationales si nous ne repensons pas sรฉrieusement notre stratรฉgie.
Sidi Ould Tah reprรฉsentait le meilleur profil : fort de son succรจs ร la tรชte de la BADEA, oรน il a multipliรฉ les financements pour lโAfrique, il a su incarner une vision panafricaine, souverainiste et pragmatique. Son leadership de consensus et sa maรฎtrise des enjeux financiers en faisaient un choix logique pour repositionner la BAD dans un contexte continental exigeant.
Dans cette รฉlection, ce nโest pas un pays qui a gagnรฉ. Cโest lโAfrique toute entiรจre.
Babacar NDAO